Différence entre désobéissance civile et "hors radar" ?

Se mettre “hors radar”, c’est la stratégie choisie par une grande majorité des familles pour continuer d’assurer l’instruction de leurs enfants sans subir la pression du gouvernement à la scolarisation forcée. Il s’agit tout simplement de vivre selon l’adage “pour vivre heureux, vivons cachés”. L’intérêt de cette stratégie est qu’elle est facilement accessible car les risques de découverte et poursuites sont faibles. La baisse du nombre de demandes d’autorisation témoigne de l’augmentation mécanique de la pratique clandestine de l’IEF, tout autant que le phénomène de rescolarisation à contrecœur, ce qui est un argument fort en soi pour témoigner de l’échec du durcissement légal, qui affaiblit encore la confiance et la coopération entre le citoyen et l’administration.

Ceci étant, cette stratégie a le désavantage de se dérouler dans l’ombre, d’être donc inqualifiable statistiquement, de cultiver le chacun-pour-soi et la séparation entre le citoyen et la nation, plutôt qu’une démarche politique collective et transparente. La désobéissance civile, quant à elle, est l’unique voie qui a fait ses preuves historiquement pour mettre en scène le combat politique d’une manière à faire progressivement pencher l’opinion et les politiques vers la défense des droits réclamés par les citoyens désobéissants.

Les résistantes et résistants d’Enfance Libre sont entrés en désobéissance civile pour préserver le droit des enfants à s’instruire autrement. Cette posture éminemment politique s’inscrit dans une longue dynamique de lutte non violente.

L’écrivain américain Henry David Thoreau introduit le terme de désobéissance civile à la fin du 19ème siècle. Il explique que la responsabilité du citoyen est engagée lorsqu’il obéit à une loi injuste et fonde le devoir de désobéissance de l’individu face à l’Etat lorsque celui-ci institutionnalise l’injustice.

Au début du 20ème siècle, Gandhi mène l’Inde jusqu’à son indépendance grâce à l’organisation d’actions massives et non-violentes de désobéissance. Puis dans les années soixante, Rosa Parks et Martin Luther King, luttant contre la ségrégation raciale, montrent que la désobéissance civile devient légitime à partir du moment où les citoyens sont confrontés à une loi injuste.

La liberté éducative fait partie des éléments essentiels au bon équilibre d’une société. Nous, familles en désobéissances civile d’Enfance Libre, marchons sur les traces de ces pionniers pour faire valoir ce droit fondamental.

Sept principes fondamentaux guident les résistantes et résistants d’Enfance Libre :

  1. Une action collective pour s’opposer à une politique gouvernementale qui viole les droits fondamentaux des familles.

  2. Une action publique se faisant à visages découverts et mettant en valeur des principes éthiques pour défendre une cause supérieure à leurs propres intérêts.

  3. Une action non-violente. L’État détenant le monopole de la violence physique légitime, la civilité de la désobéissance ne peut s’exprimer qu’à travers la non- violence.

  4. Une action de contrainte qui vise à l’efficacité politique, à tarir la source du pouvoir et à contraindre l’État à modifier la loi ou à l’abolir.

  5. Une action qui s’inscrit dans la durée et pousse le pouvoir dans un dilemme : laisser s’installer l’illégalité et perdre son pouvoir, ou bien exercer une répression grandissante qui risque de se retourner contre lui.

  6. Une action qui assume les risques de la sanction et utilise les procès comme des tribunes pour la cause défendue.

  7. Une action constructive qui n’est pas seulement une force de résistance mais qui se met au service d’un projet de société en structurant les contre-pouvoirs citoyens. La désobéissance civile s’affirme comme un outil de lutte démocratique qui permet de concilier l’exigence éthique avec la radicalité de l’action lorsque l’on a épuisé tous les moyens légaux de lutte. La transgression de la loi injuste n’est pas un déni du droit, mais l’affirmation citoyenne d’un grand respect pour le droit.

Les risques encourus sont les mêmes que l’on soit “hors radar” ou en désobéissance civile, mais la posture est toute autre.