Entrée officielle en désobéissance civile pour protéger la liberté d'instruire en famille

Le Fossat, le 1er mai 2022

A l'attention de :
Monsieur le Procureur Olivier Mouysset
Monsieur Richard Senghor - Conseiller spécial au cabinet du Ministre de l’Éducation Nationale
Monsieur Mostafa Fourar - recteur de l'Académie de Toulouse
Monsieur Laurent Fichet - IA DASEN
Mesdames/Messieurs les Inspecteurs Académiques du DSDEN 09
Monsieur Michel Larive - député de la 2ème circonscription de l'Ariège
Monsieur Laurent Panifous - Maire du Fossat
Monsieur xxx - Renseignement Territorial
Gendarmerie du Fossat


Mesdames, Messieurs,

Mon épouse et moi-même considérons que le nouveau régime d'autorisation préalable, autant dans sa forme, son fond et la manière avec laquelle il a été proposé, médiatisé, adopté et mis en vigueur, constitue une atteinte grave à la liberté et la démocratie.

En tant que citoyens éclairés, nous considérons qu'il est de notre devoir de faire barrage à son déploiement sur le terrain. La désobéissance civile nous apparaît alors comme la démarche la plus évidente à adopter pour revendiquer un retour au régime déclaratif.

Aujourd'hui, cette vidéo sera publiée pour lancer le mouvement. Vous trouverez sa retranscription ci-dessous.

Vous pouvez compter sur notre détermination, jusqu'à obtention de la victoire en faveur de notre cause.

Nous nous tenons à votre disposition.

Salutations cordiales,
Ramïn Farhangi

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Déclaration d'entrée en désobéissance civile

Ramïn Farhangi et Marjorie Bautista

Marjorie : je m'appelle Marjorie Bautista. J'ai été professeure des écoles pendant 7 années, à l'Education Nationale, à l'école de la République.

Ramïn : je m'appelle Ramïn Farhangi. J'ai été prof de physique au lycée pendant 2 ans, puis j'ai découvert la philosophie des écoles démocratiques, et ça m'a donné envie de fonder une école à Paris qui s'appelle l'école Dynamique.

Marjorie : Ramïn et moi avons fondé ensuite l'éco-village de Pourgues en Ariège, qui est basé sur cette philosophie éducative. Nous vivons à Pourgues avec notre fils Zeÿa depuis 2017, et nous lui assurons son éducation et son instruction par nous-mêmes. Cette liberté d'instruction est tellement fondamentale pour nous que la décision même d'avoir un enfant a reposé là-dessus. 

Ramïn : vous pouvez donc imaginer à quel point on était sidérés quand le président Macron a annoncé vouloir supprimer cette liberté, le 2 octobre 2020… et au passage, qui plus est, en nous assimilant à des dangereux séparatistes et des islamistes radicalisés. Alors que c'est faux ! On a regardé les sources officielles, et tout converge pour dire que c'est faux. Par exemple, les travaux du chercheur Philippe Bongrand à l'Université de Cergy ; ou encore les rapports de la Direction Générale de l'Enseignement Scolaire ; même les documents de cadrage de l'Inspection Académique publiés par le Ministère de l'Education Nationale elle-même ! C'était extrêmement frustrant de voir que ces données n'étaient pas prises en compte par les personnes qui ont porté ce projet de loi.

Marjorie : les associations de défense de la liberté d'instruction se sont alors mobilisées d'un seul bloc pour faire barrage. Nous avons relayé la voix des enfants ; tendu la main au Syndicat des Inspecteurs Académique, car ils nous rejoignent sur certains arguments ; déboursé collectivement plus de 60 000 € pour défendre notre liberté auprès du conseil constitutionnel. Notre pétition a rassemblé plus de 160 000 signatures.

Ramïn : oui. et malgré tout ça, le gouvernement et les parlementaires de la République en Marche ont refusé toute tentative de dialogue et toutes les mains qu'on a tendues vers eux, et le Président a fini par faire passer sa loi en force. Or, on ne supprime une liberté que lorsqu'elle nuit à l'intérêt général. Ici, ce n'est manifestement pas le cas, donc il s'agit bien d'une dérive liberticide, et face à une telle dérive autoritaire, nous, les citoyens éclairés, on est appelés à jouer le rôle de de garde-fou et de lanceur d'alerte.

Marjorie : avec Ramïn nous entrons aujourd'hui en résistance pour protéger nos familles et nos valeurs démocratiques. Nous déclarons et assumons publiquement notre refus de nous soumettre au nouveau régime d'autorisation préalable. Nous suivons ainsi les traces de nombreuses personnalités historiques qui ont joué ce rôle de garde-fou : les objecteurs de conscience qui ont contesté le service militaire obligatoire, Rosa Parks qui a refusé de s'asseoir du côté noir du bus, les marcheurs qui ont suivi Gandhi pour récolter leur sel et contester l'impérialisme britannique, ou encore les 343 salopes qui ont avorté dans les années 60... toutes ces actions furent aussi illégales qu'essentielles au progrès de nos droits civiques. Tous ces ingouvernables étaient reliés à des causes justes, qui font consensus aujourd'hui.

Et l'avenir donnera certainement raison aussi aux résistants d'Enfance Libre, car nous disons « non » à un gouvernement à la dérive, pour dire « oui » aux valeurs démocratiques et à la liberté.

Ramïn : parents-instructeurs, j'aimerais maintenant m'adresser à vous, en rappelant d'abord que le président Macron a clairement annoncé la couleur : il souhaite supprimer cette liberté. Donc ce qui va se passer à l'avenir, c'est que l’étau va continuer de se resserrer, de nouvelles propositions de loi vont émerger, et le président va surfer encore sur des nouvelles crises et nous prendre comme bouc-émissaires pour faire passer de nouvelles lois.

Et dans quelques années, on se souviendra qu'on a docilement envoyé nos formulaires Cerfa et montré notre soumission à toutes les lois, pour finalement voir disparaître notre liberté. Alors qu'une solution existe. L'oppression n'est réelle que si nous acceptons de la subir. Alors arrêtons de nous soumettre, et renversons le camp de la contrainte et de la peur.

Avec Marjorie, notre stratégie est simple : nous allons rendre l'application de cette loi littéralement impossible. Nous allons réunir des dizaines et des dizaines de familles, pour que les académies et les procureurs soient débordés. Et le nombre fera notre force, comme pour les mouvements historiques de désobéissance civile, comme pour José Bové et ses centaines de camarades faucheurs d'OGM, ou encore les faucheurs de chaises qui ont contesté l’évasion fiscale, ou encore les décrocheurs de portraits qui ont contesté l'inaction climatique du président Macron. Tous ces désobéissants étaient reliés à des causes justes, qui font l'unanimité aujourd'hui.

Marjorie : on nous demande souvent "oui, mais qu'est-ce qu'on risque en désobéissant à cette nouvelle loi ?" Nous n'allons pas vous rassurer, car l'Histoire nous montre que les désobéissants ont habituellement connu une réponse plus ou moins violente de la part du pouvoir.

Et avec Ramïn, nous faisons le choix de ne pas céder à la menace d'amende, d'emprisonnement ou de placement de nos enfants, car on estime que lorsqu'il s'agit de militants raisonnables et pacifiques, comme nous, il s'agit de menaces absurdes d'extorsion, de séquestration et de kidnapping.

Et si le gouvernement s'autorise un jour à de tels actes, son illégitimité éclaterait au grand jour, et il prouverait de lui-même où se situe le camp de l'oppression et de la violence. Et en ce qui nous concerne, jamais nous ne céderons à la violence, et nous continuerons de nous exprimer depuis la raison et le cœur, avec bienveillance et fermeté. Dans ces conditions, ce sera alors au gouvernement de céder, comme pour tous les exemples historiques que nous avons cités.

Ramïn : nous avons envie d'intégrer dans notre équipe des personnes pour qui ce discours résonne autant dans le fond que sur la forme. Des personnes qui se relient intérieurement à l'action juste, et qui ne sont pas en train de réagir dans la colère, ou pour servir leur intérêt personnel. On a envie de travailler avec des personnes qui croient sincèrement aux valeurs de notre démocratie libérale, et non des personnes qui sont dans la révolte systématique, par exemple. Et on aimerait surtout travailler avec des familles où les deux parents sont d'accord pour entrer en résistance, des personnes courageuses qui ne capituleront pas dès les premièrs obstacles. Et enfin, on aimerait que ces personnes avec qui nous allons travailler aient suffisamment de ressources intérieures pour traverser une telle aventure avec nous.

Marjorie : au-delà du groupe de résistants, nous avons aussi besoin du soutien de personnalités qui connaissent intimement les bienfaits de l'instruction en famille. Nous avons déjà le soutien précieux de François Bégaudeau, et nous espérons, demain, avoir celui d'Alexandre Astier, Taig Chris, Albert Dupontel, Luc Ferry et d'autres aussi.

Ramïn : et il est bon de rappeler, d'ailleurs, que Pierre Curie, Marguerite Yourcenar ou encore Jean d'Ormesson ne sont pas allés à l'école. Est-ce qu'il faudrait qu'on prenne une machine à voyager dans le temps pour dire à leurs parents qu'ils se sont trompés, et qu'ils auraient dû renoncer à leur projet d'instruction fait-maison ? Non. Qu'on le veuille ou non, la liberté d'instruire ses enfants est inscrite dans l'Histoire d'une France et d'une humanité libre.

Marjorie : pour conclure, voici nos trois revendications. Premièrement, nous demandons au gouvernement de revenir à un régime déclaratif.

Ramïn : Deuxièmement, nous souhaitons que la liberté d'instruction en famille soit gravée une bonne fois pour toute dans la constitution, pour éviter toute amplification de la dérive.

Marjorie : et troisièmement, nous demandons au Ministre de l’Éducation de présenter ses excuses au nom du gouvernement, pour avoir produit et alimenté un amalgame entre l'instruction en famille et l'islamisme radical, de préciser aussi que 98% des parents-instructeurs reçoivent un avis favorable de l'inspection académique, et que nous avons affaire à des parents consciencieux, au contact des besoins spécifiques de leur enfant, le plus souvent bien informé en matière de pédagogie. Et enfin, que la liberté d'instruire en famille est une richesse pour la France, et donc, qu'elle doit être protégée.

Ramïn : vu le préjudice que nous subissons, cela me semble être une réparation minimale à nous apporter, et lorsque nous aurons obtenu un résultat sur ces trois revendications, nous nous sentirons en paix et nous cesserons de résister.

Voilà. Merci Marjorie de t'engager dans cette cause avec moi. Comment tu te sens, maintenant, avec tout ça ?

Marjorie : merci à toi aussi, Ramïn. Je me sens confiante, et je sens que notre démarche est juste.

Ramin Farhangi